Les oeuvres d’art semblent aider les personnes autistes à apprivoiser les visages humains. C’est du moins ce qui ressort d’une recherche visant à étudier comment les adultes autistes présentant un syndrome d’Asperger perçoivent les oeuvres d’art. L’étude réalisée au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) a également cherché à savoir si la participation à des ateliers inspirés de l’art-thérapie modifiait leur façon d’aborder les oeuvres d’art.
Dans un premier temps, les chercheurs ont présenté à des personnes vivant avec un trouble du spectre de l’autisme et à des personnes neurotypiques âgées de 18 à 50 ans deux catégories de tableaux : d’une part, des tableaux ayant un contenu social, car on y trouvait un être humain dans une situation susceptible d’induire une émotion telle que le dégoût, la frustration ou la colère, et d’autre part, des tableaux plus neutres, comme des natures mortes sans personnage.
À l’aide d’un système de capture du regard composé de caméras, ils ont enregistré la façon dont les participants, autistes et neurotypiques, regardaient l’oeuvre pendant les 15 premières secondes d’observation. En indiquant où la personne regardait et à quel moment elle le faisait, ce système a permis aux chercheurs de savoir si les autistes recherchaient l’information qui leur semblait pertinente au même endroit que les neurotypiques.
Visages
Les chercheurs avaient comme hypothèse de base que les autistes ne regardaient pas les oeuvres ayant un contenu social de la même manière que les neurotypiques en raison de leurs problèmes d’interaction sociale, de perception, d’expression et de régulation des émotions. Toutes les études antérieures effectuées avec des photographies ou des scènes de la vie réelle avaient en effet montré que, contrairement aux neurotypiques, les autistes tendent à éviter de regarder les visages.
Inversement à ce qui était attendu, les mesures ont révélé que les autistes passaient autant de temps à examiner le visage du personnage représenté dans le tableau que les neurotypiques.
« Comme une oeuvre d’art est une représentation abstraite de la réalité, les autistes regardent les mêmes régions, y compris les éléments sociaux comme les visages, que les neurotypiques », explique Bruno Wicker, chercheur invité au Département de psychologie de l’Université de Montréal qui a mené l’étude avec l’étudiante à la maîtrise Audrey Charlebois. Cela corrobore un peu cette idée voulant que quand l’information sociale est abstractisée, par exemple quand une photo est devenue un dessin, elle est plus digeste pour les autistes, et c’est moins intimidant pour eux qu’une vraie personne. « C’est pourquoi ils abordent le tableau de la même manière que les personnes neurotypiques. Il est bien connu que les personnes autistes n’ont pas de problèmes à utiliser des pictogrammes, par exemple, qui sont des éléments schématiques et dessinés d’informations sociales, alors que quand il s’agit d’élément de la vie réelle, elles ont plus de mal. »